Jacques Bertin

La Solitude
La solitude m'ensevelit comme un grand charroi de terre Comme un linceul trempé qui me glace et qui me terrifie La solitude est une mer où je dérive et je m'enferre Et le temps meurt ; et je ne trouve point la passe vers la vie Où vont ces wagons de minerai blindés, gris et tous semblables ? Dans cette gare perdue dans l'Oural où un très mauvais vent Fait grincer la pancarte sans plus aucun nom depuis longtemps Le train arrêté sur ces voies, ce sont mes jours toujours semblables La défaite pourtant ne me faisait pas peur ni l'amertume Et ni la peur. Je ne craignais que le mensonge. Et ni la peur ! J'aimais, baigneur plongeant dans l'eau, y faisant naître des rumeurs En gerbe qui se consumaient au soir, comme un hymne d'écume Mon plaisir... Ma façon. J'allais ma vie. J'aurais parlé aux rois ! Cette blessure a touché l'os... Il est tard dans la joie du monde Deux femmes sont venues que j'ai aimées : une brune ; une blonde J'étais. La vie nous perd. Perdons. Ce sera pour une autre fois... Comme une escadre cinglant, un matin lavé ; partout des flammes Montant à chaque mât ; vibrant de citadelles sous la peau Et saluant, superbe, pour des évanouissements de femmes Je voudrais être une âme avec des voiles, des chants, des drapeaux ! Aus Songtexte Mania