Loco Locass

Les Géants
Biz, batlam / chafiik ici le je se démultiplie au nous je ne nous vois plus à genoux mais debout caribous dévalant les vallons arpentant la plaine nos sabots s'imprimant dans le lichen dorénavant droit dressés -dents de dragons hachurant l'horizon- nos panaches s'entrechoquent en une mâle émulation et bravant les hurlements de la meute nos bramements nomment le monde nous sommes issus d'un sol immense, qui nous a tissés métissés rebuts de brins de laine tressés très serrés sans couture au sein d'une ceinture fléchée comme quelque queue clinquante de comète effilochée et si l'on suit le fil de notre texte, il mène à la sortie du labyrinthe de pan qui nous éreinte depuis qu'ils ont mis nos torts dedans ils ont conquis nos territoires, pillé notre histoire et volé notre mémoire avec leurs thèses de fous, ils nous ont dit : « taisez-vous ! Songtextevous êtes comme thésée sans sa ficelle, perdus, déboussolés vous n'êtes pas vous vous êtes nous vous êtes dissousvous ne valez pas 10 sous notre substrat vous subsume et la comparaison vous consume » faux ! nous venons d'avant, nous sommes antérieurs nous sommes des créateurs, pas des créatures, pas des caricatures notre maison n'a pas de cloisons mais 4 saisons acclimatés au climat et faisant fi du frimas nous avons parcouru par ses artères tout un continent titan notre espèce aspire à l'espace et son empreinte est partout tapie dans la toponymie gravée dans le granit arc-boutée dans les arches de nos dingues digues dignes de la muraille de chine dans les champs essouchés sous la lune et les racines d'un hêtre qui ne peut plus plier c'est une histoire riche qui n'est sur aucune affiche et qu'on a laissé en friche dans nos caboches, ce n'est que roches et fardoches cosmogonie à l'agonie dans le tome fantôme d'une mémoire moisie sur nos épaules on porte pourtant le pack sac d'un passé épatant mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants ? sitôt venus au nouveau monde on a dompté les hivers et fabriqué de la terre on avait la tête à la fête et le coeur au labeur opiniâtres, on n'a jamais laissé mourir le feu dans l'âtrecar nous avons la tête à papineau la longue langue loquace de da costa le coeur-corsaire de d'iberville qui envoie en nos veines le pur-sang mêlé-mêlé de riel et des premières nations nous avons l'aviron de radisson, la vigueur de la vérendrye les jarrets de jolliet et tous les talents de l'intendant talon en somme, nous sommes des surhommes uniques générés par le génie génétique de l'europe et de l'amérique inéluctablement, nous voguons vers le néant mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants ? opaque, il faut qu'enfin notre épopée éclate c'est sans équivoque, cette histoire est pleine et craque loco locass la provoque de son verbe épique les eaux sont crevées et tombent en trombe et forment une flaque, que dis-je une flaque ? c'est comme un lac à nos pieds le col se dilate, le sol s'écarquille pour laisser monter un corps en forme d'ogive c'est le chaos qui passe dans le chas d'une aiguille c'est un cri qu'on pousse, un coeur qui pulse celui d'un peuple qu'on accueille ou qui frappe un écueil dans l'oeil du cyclone chaque seconde en vaut 4 nous rapproche d'un miracle c'est un spectacle sans entracte mais gare à l'arrêt cardiaque entre la mort et la vie l'arrivée d'un homme comme lors d'un référendum un peuple oscille entre le rien et tout ce qui brille je pose des mots garrots gare au flot hémorragique Ô ma rage gicle par tous les pores de mon coeur spongieux sur ce long jeu, conjure ma mortelle nature et nous disons que la parole est une sage-femme qui tire des limbes un monde à naître fort de cette maïeutique aux forceps le poète nomme enfin celui dont il voit poindre la tête : québec ! (Merci à Guillaume Martin pour cettes paroles) Aus Songtexte Mania